Le 18 février 2016, la Société du Grand Paris (SGP), maître d'œuvre de la réalisation du Grand Paris Express, a invité des journalistes pour une visite en autocar du tracé de l'éventuelle future Ligne 18.
Un reportage de cette visite a été réalisé en temps réel sous forme de brèves sur Twitter (des "tweets") émis par Paris-Saclay, c'est-à-dire des représentants de l'Établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS).
Dans la perspective de l'enquête publique dont cette ligne va faire l'objet du 21 mars au 26 avril 2016, cette tournée avait sans doute pour but d'endoctriner la presse sur les avantages et les bienfaits de la Ligne 18.
Or, il nous semble que l'information fournie à la presse est extrêmement subjective et mérite donc d'être complétée et/ou rectifiée, afin de "remettre l'église au milieu du village". Nous avons ainsi été amenés à publier, surtout à l'attention de la presse, un document commentant le reportage de Paris-Saclay.
Au moment de cette publication, le reportage de Paris-Saclay était, à notre connaissance, le seul témoignage public de cet événement. Mais depuis lors, la SGP a publié son dossier de presse, ainsi que son propre reportage de la visite des journalistes, son émission "Grand Paris Expression" consacrée à la ligne 18 et un article présentant la Ligne 18 comme un "levier de développement très attendu".
En grande partie, on retrouve dans ce matériel de propagande les mêmes images, les mêmes formules à l'emporte-pièce et les mêmes inepties. En voici quelques spécimens caractéristiques, assortis de nos commentaires :
"La Ligne 18 desservira l’un des premiers pôles de recherche et développement du monde : le cluster Paris Saclay".
C'est ce qui s'appelle "prendre ses désirs pour des réalités". Avec son approche de gigantisme, le cluster Paris-Saclay semble vouloir réunir toutes les conditions pour se solder par un échec retentissant.
"Elle assurera également les relations avec les autres grands pôles métropolitains, vecteurs de développement économique et créateur d’emplois".
Comme l'écrivait Jean Vivier en 2010 : "La liaison des clusters entre eux n'a aucun intérêt". En effet, les déplacements travail-travail ne représentent qu'une infime proportion (3 %) du trafic ; s'il en était autrement, cela voudrait dire que les chercheurs sont très mal organisés ou ne savent pas se servir d'Internet, hypothèse saugrenue en terre d'excellence. Si l'interconnexion des clusters a pour but d'encourager les Franciliens à habiter un bassin de vie et d'emploi et à travailler dans un autre bassin, on a tout faux en termes d'aménagement du territoire.
"On a décidé de satisfaire des élus qui associent trop étroitement de façon trop primaire, selon les canons d'une époque, développement économique et transports. Miroir aux alouettes qui constitue un risque important pour la nation toute entière, vues l'actuelle conjoncture et les vraies priorités qui vont s'en trouver négligées", écrivait Marc Wiel en 2014.
"La Ligne 18 facilitera la circulation des personnes sur tout le territoire francilien".
L'idée sous-jacente est que l'Île-de-France est un grand bassin d'emploi "unifié", c'est-à-dire où on peut habiter n'importe où et travailler n'importe où ailleurs. Non seulement cette approche est totalement irréaliste, mais en outre elle désorganise l'agencement urbain en alimentant un cercle vicieux où plus de mobilité engendre davantage d'étalement urbain, qui induit à son tour de nouveaux besoins de transports, etc.
"La Ligne 18 sera déterminante pour des milliers de chercheurs, d’étudiants, de salariés de start-ups".
C'est absurde. Ce qui est tant attendu par ces chercheurs, étudiants et salariés, ce n'est pas un métro, c'est de pouvoir accéder décemment à leur lieu de travail sur le plateau de Saclay, et cela dès 2020 et non 2030. Du fait de la faible densité de population du secteur, 80 à 85 % d'entre eux se déplacent en voiture. Par ailleurs, 78 % des usagers du plateau sont domiciliés à proximité – en grande majorité dans l'Essonne – et ne tireraient pas le moindre profit de la Ligne 18. Que celle-ci soit construite ou non, la vaste majorité des usagers vont donc continuer d'utiliser leur voiture mais vont devoir affronter de graves congestions routières induites par la démesure du cluster. Les 22 % d'usagers qui habitent Paris ou la petite couronne pourront accéder au plateau en empruntant un RER et un moyen approprié de rabattement à mettre en place : le téléphérique urbain. Le service rendu par cette solution est comparable à celui que propose la Ligne 18, à ceci près qu'elle pourra être réalisée beaucoup plus rapidement, à un prix inférieur d'un ordre de grandeur, et qu'elle pourra aussi être empruntée par ceux qui habitent à proximité.
"Avec le report de la voiture vers le transport collectif, la ligne 18 contribuera à la réduction des émissions de CO2, s’inscrivant ainsi dans les objectifs fixés par la COP 21".
C'est un double mensonge. D'abord, la SGP ne doit pas ignorer que le rapport modal de la voiture vers les transports collectifs occasionnée par la Ligne 18 serait infime : la DRIEA l'a évalué à 0,5 %. Ensuite, selon Bernard Cathelain de la SGP, "La consommation électrique totale du Grand Paris [Express] équivaudra à celle d’une ville comme Rennes" ; bien entendu, il s'agit là de la consommation supplémentaire par rapport à celle du réseau existant. Par conséquent, si la SGP veut sérieusement contribuer aux objectifs fixés par la COP 21, la première chose à faire serait de renoncer au Grand Paris Express et plus particulièrement à ses lignes les moins pertinentes, dont la Ligne 18 !