Hommage à Marc Ambroise-Rendu

Marc Ambroise Rendu
« Il faut tout essayer, même ce qui paraît perdu d’avance »


Ma première rencontre avec Marc avait lieu au cours de l'été 1972 à Ballancourt chez un ami commun. Il était journaliste, il parlait beaucoup et j'étais frappé par sa fougue et la force de ses convictions, mais, ignorant ce qu'il partageait avec l'ami commun, j'avais du mal à le suivre. En tout cas, il m'a d'emblée inspiré sympathie et respect. À cette époque, il était déjà un protagoniste de l'écologie car depuis 1971, il publiait un mensuel nommé « Mieux vivre », absorbé en 1974 par le trimestriel « Combat nature ». Rien d'étonnant donc à ce que, quelques années plus tard, je voyais son nom apparaître dans Le Monde sur un sujet lié à l'environnement. En effet, dès 1975 il avait créé pour ce journal une rubrique Environnement, qu'il a entretenue huit ans durant, pour ensuite animer une rubrique Urbanisme jusqu'en 1995.

Son engagement pour la défense de l'environnement s'est aussi traduit en militantisme associatif. Ainsi, habitant du 13e arrondissement de Paris, il a créé en 1997 l'Association pour le développement et l’aménagement du 13e arrondissement (ADA13). La rivière Bièvre, affluent de la Seine, traverse cette portion de la capitale – où ses eaux pures furent jadis exploitées par des tanneries et par les teintureries de la manufacture des Gobelins –, avant d'être entièrement recouverte pour des raisons sanitaires à partir de 1912. Or, Marc s'était mis dans la tête que tout le monde serait gagnant si la Bièvre pouvait être remise à l'air libre autant que possible. C'est donc sous son impulsion que fut créée en 2000 l'Union des associations Renaissance de la Bièvre (URB), qui fédérait une trentaine d'associations, implantées tout le long du cours de la rivière, qui prend ses sources à Bouviers dans la commune de Guyancourt. L'URB existe toujours et a joué un rôle moteur en intervenant dans tous les départements traversés par la Bièvre auprès des élus territoriaux, des syndicats de gestion des eaux et des services de l'État, non seulement pour inciter à la réouverture progressive de la Bièvre partout où cela est réalisable, mais également pour l'amélioration de la qualité de l'eau de la rivière, qui recueillait souvent des eaux usées et des rejets pollués. Pour lui succéder comme président de l'URB en 2002, Marc avait trouvé Alain Cadiou, l'un des créateurs en 1968 de l'Agence de l'eau Seine-Normandie.

Nous nous sommes revus tant à l'URB qu'à IDFE (Île-de-France Environnement, devenue plus tard France Nature Environnement Île-de-France), dont il a été le président de 2001 à 2005. Il s'est montré un farouche opposant aux pollutions de toutes sortes, ce qui l'a entre autres conduit à militer en faveur de la création de Bruitparif. Il a en outre mis son expérience journalistique au service du périodique Liaison, dont il a été le rédacteur en chef.

Connaissant à la fois les compétences accumulées au sein des mouvements associatifs et la faiblesse de leur poids dans les processus de décision publique, il les encourageait fortement à recourir aux actions en justice lorsque d'autres moyens d'action s'avéraient inefficaces. « Il faut tout essayer, même ce qui paraît perdu d’avance, il en restera toujours quelque chose », disait-il, sa variante de la maxime du Taciturne « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Il a d'ailleurs mis en place pour FNE Île-de-France un « Observatoire du contentieux environnemental francilien », répertoriant les caractéristiques de toutes les actions juridiques entreprises par la fédération régionale et ses associations affiliées. Son implication allait jusqu'à subventionner de sa poche certaines actions. Ainsi, lorsque nous avons, avec un groupe de huit associations et unions d'associations sous la houlette de FNE Île-de-France, déposé un recours en Conseil d'État contre le projet de métro à travers champs de ligne 18 du Grand Paris Express, il n'a pas hésité à doter cette action d'un chèque de 1000 € et à promettre une « pincée » de 1000 € supplémentaire en cas de besoin…

Echange MAR HS

Marc est toujours resté un infatigable défenseur de l'environnement, mais physiquement il s'est fatigué définitivement le 25 mai dernier à l'âge respectable de 94 ans. Comme le met en évidence l'interview réalisée par FNE Île-de-France en mai dernier (donc peu avant son départ), à l'occasion du 50ème anniversaire de cette fédération, il est resté jusqu'au bout lucide, combatif et fidèle à ses convictions. Nous avons perdu un ami et compagnon de route de grande valeur et lui tirons notre chapeau.

Harm Smit