Grand Paris Express, l'erreur du siècle

Comme suite à l'annonce par la Société du Grand Paris (SGP, rebaptisée Société des grands projets fin 2023) d'un énième retard, de plus d'un an, de la mise en service de la ligne 15 Sud du Grand Paris Express (GPE), Valérie Pécresse, présidente du Conseil régional d'Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités, a invité Jean-François Monteils, président du directoire de la SGP, à venir s'expliquer, le 26 mars 2025, en répondant aux questions des divers groupes politiques de la Région.

Le document Grand Paris Express : halte à l'illusionnisme !, reproduit succinctement ces questions, puis in extenso les réponses de M. Monteils, assorties des commentaires des auteurs.

Points clés :

  • M. Monteils reconnaît que le coût complet du GPE sera beaucoup plus important (80 Md€ selon la Cour des comptes) que celui affiché par la SGP (36 Md€), mais la SGP n'en tient pas compte. Or, depuis l'évaluation de la Cour des comptes de début 2024, la question n'est plus de savoir si le bilan socio-économique du GPE (bénéfices diminués des coûts) sera positif ou négatif, elle est de savoir de combien il sera dans le rouge. In fine, ce déficit pourrait avoisiner les 70 Md€. Corollaire : avec une évaluation impartiale, le GPE n'aurait jamais pu être déclaré d'utilité publique.
  • M. Monteils fait croire que les évaluations socio-économiques de la SGP, juge et partie, passent par suffisamment de filtres pour être irréprochables. Il est démontré que cette affirmation est fausse et que ce sont des manipulations et calculs truqués qui ont fait miraculeusement exploser les bilans des lignes les moins pertinentes et non des prétendus flux de déplacements insoupçonnés.
  • La vision de la SGP concernant le rôle des gares du GPE dans l'aménagement du territoire est surréaliste.
  • Pour justifier la ligne 17 Nord, M. Monteils reproduit le chiffre mensonger de la SGP concernant la fréquentation de la ligne 17, supérieur d'un facteur de 10 à l'évaluation minutieuse de sa clientèle par notre regrettée amie Jacqueline Lorthiois.

L'actuel gouvernement, comme le précédent, racle désespérément les fonds de tiroir pour le prochain budget de l’État. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a récemment déclaré que « la France est au bord de l’effet boule de neige sur la charge de la dette » : de nouveaux emprunts, qui continuent d'alourdir la dette, servent à financer les intérêts de l’ancienne dette plutôt que les dépenses publiques. Comme Jean-Marc Jancovici en 2012nous estimons que les lignes de métro « au milieu de la pampa » gaspillent l'argent public que nous n'avons pas – et même si on en avait un peu, on ne pourrait le dépenser deux fois. Or, comme les experts du transport ne cessent de le répéter, l'état du réseau existant se dégrade d'année en année, souffrant d'un sous-investissement chronique. Par conséquent, quitte à contracter des emprunts à long terme, la priorité absolue est qu'ils servent à remettre en état le réseau actuel au lieu de les dilapider dans des lignes de prestige inutiles sinon nocives. Autrement dit, il y a lieu de réaffecter une partie des emprunts de la SGP à la régénération des infrastructures et matériels roulants existants.

 

 

Note

Le titre de cet article s'inspire de celui d'une tribune dans Le Rail de mai 2012 : Le Grand Paris Express, erreur du siècle ?, écrite par Pierre Merlin, professeur émérite à la Sorbonne et ancien directeur de l'IAURIF (ancêtre de l'IPR). Cinq ans plus tard, il a publié un article dans Le Monde sous le même titre, sauf qu'il a retiré le point d'interrogation.