Le 27 mai 2010, le projet de loi du Grand Paris a été définitivement adopté, suite à un ultime vote au Sénat, où les conclusions de la commission mixte paritaire (composée de députés et de sénateurs) ont été approuvées. L'Assemblée nationale avait approuvé sa version du projet le 27 novembre 2009, que le Sénat avait ensuite remaniée assez profondément pour aboutir au texte voté le 26 avril 2010.
Le texte final (loi n° 2010-597 relative au Grand Paris) a été publié au Journal officiel du 5 juin 2010.
Le contenu de la loi du Grand Paris
Les grands chapitres de la loi sont les suivants :
- Elaboration et outils de mise en œuvre du réseau de transport public du Grand Paris
- Etablissement public "Société du Grand Paris"
- Réalisation et gestion du réseau de transport public du Grand Paris
- Développement territorial et projets d'aménagement
- Dispositions relatives au logement
- Dispositions relatives à la création d'un pôle scientifique et technologique sur le plateau de Saclay
La genèse et la doctrine du Grand Paris
Le Grand Paris est l'enfant spirituel de Christian Blanc, l'ex-secrétaire d'État au développement de la région capitale, poste dont il s'est vu obligé de démissionner le 4 juillet 2010, et par ailleurs ancien PDG de la RATP et d'Air France.
En mai 2004, il publie un rapport intitulé Pour un écosystème de la croissance, dans le cadre d'une mission sur le développement économique que lui avait confiée le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin. Il y déplore le manque d'innovation en France et prône entre autres la création de pôles de compétitivité, recommandation qui sera suivie d'effet, puisque le gouvernement lance un appel à projets visant à créer de tels pôles dès octobre 2004. En revanche, les réformes de l'organisation de l'Université et de la Recherche publique qu'il préconise dans le même rapport ne seront pas mises en œuvre. Au sujet du plateau de Saclay, ce rapport indique qu'il est la plus grande concentration de chercheurs, étudiants, entreprises de haute technologie de France, qui pourrait la conduire à compter parmi les clusters technologiques de tout premier plan à l’échelle européenne et mondiale. Et donne les orientations suivantes :
Le plateau de Saclay pourrait devenir l’archétype en France des grands campus de recherche et d’innovation. Il lui manque à ce jour :
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le passage d’un développement non maîtrisé de zones industrielles hétérogènes à une logique des parc technologiques dotés d’une image forte, fondés sur une offre de services aux sociétés innovantes et sur la mise en partage des moyens d’essais lourds avec les laboratoires publics ;
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un lieu de vie fédérateur où se croiseraient toutes les populations ;
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un schéma de transports en commun mettant en relation le plateau et les vallées et les institutions entre elles ;
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une image forte, mondiale.
Il stipule la nécessité d'un acteur territorial fort et incontesté et affirme que seul le conseil régional apparaît à même de catalyser les dynamiques et aligner les efforts dispersés.
C'est dès cette époque que Christian Blanc intéresse Nicolas Sarkozy à ses idées sur le plateau de Saclay.
On retrouve les mêmes idées dans son livre La Croissance ou le Chaos publié en 2006 (éd. Odile Jacob). Il y fustige l'organisation hypercentralisée de la France, qui prive le pays de toute réactivité et le fait passer à côté de la révolution de l'économie de l'innovation. Il préconise à nouveau la région comme le bon périmètre pour l'action économique, car selon lui elle est l'espace des déplacements quotidiens en voiture. Dénonçant la stérilité de la Recherche française en termes de retombées industrielles, il cite le scandale du plateau de Saclay en tant que caricature d'un système qui ne fonctionne plus et ne fonctionnera plus. L'annexe de cet ouvrage, intitulé Un cluster d'envergure mondiale sur le plateau de Saclay, est un rapport sur une deuxième mission de Jean-Pierre Raffarin à Christian Blanc, dont le but était de faire des recommandations au gouvernement pour faire de Grenoble et du plateau de Saclay deux des plus puissants clusters d'Europe, c'est-à-dire à la fois des vitrines de la haute technologie française et des moteurs de croissance. Concentrant ses efforts sur le plateau de Saclay, il définit pour celui-ci un vaste plan d'aménagement afin de créer le plus grand campus de France – une "Silicon Valley à la française" –, ainsi que les principes de gouvernance de ce campus. Reconnaissant que le plateau de Saclay constitue un "poumon vert" auquel la population est attachée et qu'il convient de protéger, il prône d'anticiper la fin de la vocation agricole du plateau et d'y prévoir l'aménagement d'un parc naturel protégé de plus de 1500 hectares. Il insiste aussi sur l'accessibilité de ce territoire – sur lequel il prévoit 100 000 emplois dans les technologies de pointe –, notant qu'"un signal fort consisterait à réaliser un transport en commun lourd de type automatique, par exemple un VAL, permettant de relier Orly et Massy à Saint-Quentin et Versailles en desservant les principaux sites du cluster". Dans un souci d'efficacité, il préconise que les pouvoirs publics agissent dans le cadre d'une opération d'intérêt national.
En 2006, après avoir appelé à la démission de Jacques Chirac, Christian Blanc se rallie à Nicolas Sarkozy, qui continue à se montrer réceptif à ses idées. Celui-ci, à la suite de son élection à la tête de l'État en mai 2007, nomme Christian Blanc secrétaire d'État au développement de la région capitale, le 18 mars 2008.
Le 6 novembre 2008, le secrétaire d'État dévoile son projet de "cluster scientifique et technologique sur le plateau de Saclay" couvrant 27 communes et articulé autour de deux pôles : le "Triangle Sud" (Saclay, Soleil, Polytechnique) et "Satory-la Minière" (voir carte ci-dessous). Prévoyant le transfert de nombreux centres de recherche et de Grandes écoles, le projet table sur une croissance de la population entre 2008 et 2020 de 35 000 habitants dont 13 000 étudiants. On y retrouve également la prévision de 100 000 travailleurs sur le plateau, ainsi qu'un métro automatique souterrain reliant Massy et Versailles en passant par Saclay. Le projet ne préserve que 1800 hectares d'"espaces naturels, agricoles, paysagers et ruraux" qu'il dit vouloir "sanctuariser". Il fait table rase des études et travaux menés depuis 2006 par la Mission de préfiguration de l'OIN Massy – Palaiseau – Saclay – Versailles – Saint Quentin en Yvelines et ignore également les résultats de la consultation internationale de dix bureaux d'architectes.
Carte du projet d'aménagement du plateau de Saclay présenté par Christian Blanc début novembre 2008
Entre-temps avait commencé à circuler un projet de loi pour la création d'un "Etablissement public de Paris-Saclay" (EPPS), destiné à gérer la mise en œuvre du projet. Nous avons eu connaissance de la version 2.3 de ce texte, datée du 1er décembre 2008.
Plus ou moins en parallèle avec le projet de Christian Blanc, s'organise un projet appelé "Plan Campus" ; ce projet n'est pas sous la coupe de Christian Blanc mais sous celle de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Il vise à regrouper sur le plateau un ensemble d'établissements d'enseignement et de recherche, autour de ceux qui y sont déjà implantés, tels Polytechnique et Supelec. Il englobe aussi le transfert d'une grande partie de l'Université Paris XI d'Orsay vers le plateau de Saclay. Bien qu'indépendants l'un de l'autre, ces deux projets ne peuvent que finir par s'intégrer.
Les associations ont multiplié les interventions auprès des décideurs de l'État. Ainsi, en novembre 2008, l'UASPS a adressé une lettre ouverte au Président de la République, exprimant ses inquiétudes à l'égard des projets visant le plateau de Saclay. La réponse de l'Élysée laisse penser que l'action des associations n'a pas été vaine : en effet, cette lettre contredit les chiffres avancés par Christian Blanc.
Le 5 mars 2009, le décret N° 2009-248 inscrit officiellement les opérations d’aménagement du plateau de Saclay parmi les OIN et en précise le périmètre, qui englobe 27 communes : Bièvres, Buc, Bures, Champlan, Châteaufort, Chilly-Mazarin, Élancourt, Gif-sur-Yvette, Guyancourt, Jouy-en-Josas, La Verrière, Les Loges-en-Josas, Les Ulis, Magny-les-Hameaux, Massy, Montigny-le-Bretonneux, Orsay, Palaiseau, Saclay, Saint-Aubin, Toussus-le-Noble, Trappes, Vauhallan, Versailles, Villebon-sur-Yvette, Villejust, Villiers-le-Bâcle.
Le 11 mars 2009, Pierre Veltz est nommé Délégué ministériel pour la mise en œuvre de la Mission de préfiguration à la création de l’EPPS, en remplacement de la précédente Mission de préfiguration dirigée par Jean-Pierre Dufay.
A la même époque, l'État décide d'abandonner le projet de loi spécifique pour l'EPPS et d'intégrer l'EPPS dans une loi plus large : la loi du Grand Paris, qui comporte par ailleurs la création du réseau de transport francilien en double boucle autour de Paris, surnommée "Grand Huit" par les journalistes, conçu par Christian Blanc. Une des deux boucles relie les aéroports Charles de Gaulle et Orly, en passant par Saclay… Cette approche est présentée par le Président de la République lors d'un discours à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris, le 29 avril 2009, où il s'exprime pour la première fois publiquement au sujet du projet du Grand Paris, dont il expose les motivations, qui ne sont autres que celles de Christian Blanc. On y voit apparaître la thèse des "villes-monde" selon laquelle Paris se trouverait dans une lutte acharnée avec d'autres villes-monde comme Londres, New York et Tokyo, ce qui justifierait de poursuivre son extension en termes économiques (1 million de nouveaux emplois jusqu'en 2030) comme sur le plan démographique (1,5 million d'habitants supplémentaires en 2030). On y trouve également le postulat qu'une Île-de-France plus forte bénéficierait automatiquement aux autres régions.
Le fait d'introduire le projet pour Saclay "sur le dos" de celui du Grand Paris a pour conséquence que le cluster de Saclay est soustrait au débat public sous les auspices de la Commission nationale du débat public (CNDP) exigé par la loi au regard de l'envergure de ce projet. C'est une grave entorse à la légalité.
Le 2 octobre 2009, Pierre Veltz lance une suite de réunions d'échange d'informations entre la Mission de préfiguration et les associations locales. Ces réunions sont présidées par Lucien Chabason, un des deux 'garants de la concertation' nommés en 2006 dans le cadre de l'OIN.
Le 7 octobre 2009, Christian Blanc fait approuver par le Conseil des ministres son avant-projet de loi du Grand Paris et choisit la "procédure accélérée" par la faire adopter par le Parlement. La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, présidé par le député Yves Albarello, entame une série d'auditions. La fédération régionale Île-de-France Environnement (IDFE), auditionnée le 30 octobre, et d'autres associations proposent des amendements. Le 12 novembre 2009, un projet de loi est soumis en première (et unique) lecture à l'Assemblée nationale, qui commence à en débattre le 24 novembre. Ce projet de loi prévoit la création d'une "Société du Grand Paris", dans laquelle l'État est majoritaire, qui décidera du tracé du Grand 8 et participera à l'aménagement des terrains autour des ses gares, où des "contrats de développement territoriaux" (CDT) pourront être signés avec les communes concernées dans les 18 mois qui suivent l'adoption du schéma de transports. Le projet de loi comporte de nombreuses dispositions dérogatoires, réduisant à une peau de chagrin les prérogatives des collectivités territoriales. Au sujet de la zone de protection naturelle, agricole et forestière du plateau de Saclay, il est précisé que "cette zone comprend 2 300 hectares de terres agricoles". A la suite de débats houleux et le rejet de nombreuses propositions d'amendements, les députés votent la loi le 27 novembre 2009. A noter que dans le texte final adopté, le mot 'environ' a été rajouté devant '2 300 hectares de terres agricoles' ; en outre, les limites géographiques de ces terres ne sont pas précisées.
Le 12 janvier 2010, le Sénat désigne les membres d'une Commission spéciale pour examiner le projet de loi, sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade. Grâce aux élections régionales de mars 2010, les sénateurs ont plus de temps que les députés pour ces études et accomplissent en effet un travail bien plus approfondi. En février, le sénateur de l'Essonne, membre de la Commission spéciale, Laurent Béteille reçoit une délégation de COLOS, puis IDFE est auditionnée par la Commission spéciale et y présente des propositions d'amendements ainsi que sa réponse au questionnaire de cette commission. Ensuite, la Commission spéciale se déplace à Orsay pour s'entretenir avec les associations du secteur. Les discussions au Sénat ont lieu au mois d'avril 2010, pour aboutir au vote d'un nouveau projet de loi le 26 avril. Ce projet a sensiblement évolué par rapport à celui de l'Assemblée nationale. Comme l'avaient demandé IDFE et d'autres associations, les sénateurs ont remplacé 'environ 2 300 hectares' par 'au moins 2 300 hectares'. De même, la proposition d'IDFE d'assortir cette formule d'une liste précise des communes concernées a été intégrée quasi-textuellement en annexe du projet de loi. Une autre avancée concerne la tenue d'un débat public sous l'autorité de la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) sur le projet de double boucle (Grand 8), alors que le projet initial ne prévoyait aucune concertation à ce sujet.
Le projet de loi élaboré par le Sénat est ensuite examiné par une Commission mixte paritaire (CMP), réunissant des députés et des sénateurs. Les conclusions de celle-ci sont approuvées par l'Assemblée nationale le 26 mai et par le Sénat le 27 mai 2010, permettant ainsi à la loi du Grand Paris d'être publiée dans le Journal officiel du 5 juin 2010. Un des éléments du compromis entre les parlementaires des deux chambres est le lancement de deux débats publics sur les deux projets de métro automatique autour de Paris, le projet de double boucle de l'État et le projet Arc Express de la Région (que le Sénat avait prévu d’éliminer).
Le 10 juin 2010, d'ultimes tractations ont lieu à l'Elysée entre l'État, le Conseil régional et la municipalité de Paris, en conséquence desquelles la loi du Grand Paris n'a pas été attaquée au Conseil constitutionnel, où elle aurait eu de fortes chances d'être remise en cause en raison des clauses antidémocratiques qu'elle contient. En contrepartie, l'État a débloqué le transfert du nouveau SDRIF, voté en septembre 2008, vers le Conseil d'État pour approbation ; cependant, le SDRIF devra de nouveau entrer en révision afin de s'adapter à la loi du Grand Paris.
Entre-temps, le 12 mai 2010, Christian Blanc avait publié un livre intitulé "Le Grand Paris du XXIe siècle" (éd. Le Cherche midi), dans lequel il élabore ses ambitions pour le Grand Paris. En voici le résumé :
La question du Grand Paris agite le monde politique et l'opinion publique depuis des siècles. Mais, avec la globalisation, les termes de l'équation ont changé. Il ne s'agit plus seulement de débattre sur le rôle et la taille de la capitale comme Rousseau et Voltaire, ou de la rendre plus saine et plus propre comme Napoléon et Haussmann, ou encore de répondre aux défis du logement et des transports posés par sa croissance comme Paul Delouvrier et le général de Gaulle. Le Grand Paris est devenu un enjeu stratégique essentiel pour l'avenir du pays. La globalisation, l'économie de l'innovation et l'accélération des échanges dessinent un monde moderne organisé autour des grandes métropoles internationales parmi lesquelles un petit nombre de "villes-monde" vont s'imposer. Pouvons-nous faire du Grand Paris une ville-monde qui soit la tête de pont de la France dans la compétition mondiale ? Comment jouer notre chance face à New York, Tokyo, Londres, Shanghai ou Bombay sans trahir notre histoire et perdre notre âme ? Comment être attractif et compétitif parmi les grandes métropoles internationales sans sacrifier notre exigence environnementale et notre pacte social ? Le projet du Grand Paris qui est présenté dans ce livre apporte une réponse à ces questions. Une réponse qui s'appuie sur l'innovation, la création, la richesse des territoires et le génie des hommes, mais surtout une certaine idée de l'art de vivre ensemble que nous devons sans cesse réinventer.
Dans cet ouvrage, l'auteur donne nettement l'impression de se voir comme le successeur de Haussmann et Delouvrier – eux aussi, à leurs époques respectives, investis de pouvoirs d'exception pour réaliser leurs projets.
Notre avis sur les options générales du projet du Grand Paris est résumé dans la réponse formulée par IDFE au questionnaire de la Commission spéciale du Sénat. Nous reconnaissons volontiers le caractère généreux et volontariste de sa vision, mais nous doutons qu'elle repose sur des bases solides.
Une ville-monde est censé être un nœud important dans le système économique mondial. Ce concept académique exprime l'idée que, dans le contexte de la globalisation, le système commercial et financier mondial repose sur un ensemble de localités stratégiques, que l'on peut classer hiérarchiquement en fonction de leur importance. Différents organismes ont établi de tels classements, le plus connu étant le "Globalization and World Cities Research Network" (GaWC), une entité de recherche de l'Université de Loughborough en Angleterre. La version 2008, mise à jour en 2010, de la grille des villes-monde établie par le GaWC distingue dix échelons de villes-mondes : Alpha++ (New York et Londres), Alpha+ (Paris, Tokyo, Shanghai, Pékin et quatre autres villes), Alpha, Alpha–, Beta+, Beta, Beta–, Gamma+, Gamma et Gamma–. Ces villes-monde sont différenciées selon leurs qualités de fournisseurs de services économiques à l'échelle mondiale, en particulier dans les domaines de la comptabilité ('accountancy'), de la publicité ('advertising'), de la finance ('banking') et des services juridiques ('legal services'). Alors que le discours du Grand Paris laisse penser qu'il y ait seulement quatre villes-monde, ces dix échelons comprennent un total de 129 villes-monde ; en outre, le GaWC distingue deux échelons d'accessit : grande suffisance ('high sufficiency') et suffisance ('sufficiency'), comptant respectivement 37 et 80 villes.
Si la valeur de ce classement peut sembler discutable, il est toutefois à noter qu'on ne trouve aucune des métropoles régionales françaises dans ce classement, alors que l’Allemagne, qui jouit d’une réputation flatteuse au plan mondial, y compte six villes (Francfort, Berlin, Hambourg, Munich, Düsseldorf et Stuttgart), que la Grande Bretagne en compte trois en plus de Londres et que des pays européens comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Suisse et la Belgique en comptent deux chacun ! Des pays dépourvus de ville-monde de premier rang et ne pratiquant pas l'hypercentralisation ne sont donc nullement voués au déclin et atteignent un niveau de prospérité qui n'a rien à envier à celui de la France. D'ailleurs, dans aucun de ces pays serait-il pensable d'instaurer un secrétariat d'État en charge du développement de la région capitale.
Le tableau du GAWC illustre crûment l'incongruité de la situation française : il faut descendre au niveau de la "grande suffisance" pour apercevoir Lyon et à celui de la "suffisance" pour trouver Marseille, Strasbourg et Nantes Or, le projet du Grand Paris veut faire croire qu'il faille encore augmenter ce déséquilibre entre Paris et la province, sous prétexte que Paris risque de décrocher de sa place en haut du tableau, entraînant toute la France dans sa chute. Ce serait une erreur historique !
Que signifie la prétendue compétition entre les grandes métropoles ? Dans le même registre, on pourrait penser que New York et Rotterdam, deux des plus grands ports maritimes du monde, sont en concurrence ; en réalité, les pétroliers à destination de Rotterdam n'ont pas le choix de se diriger plutôt vers New York… De même, une entreprise étrangère voulant s'établir en Europe n'a évidemment pas comme alternative de s'installer sur un autre continent. Sur le plan économique, la concurrence entre Paris et New York et Tokyo nous semble donc être une mystification. En revanche, il existe sûrement une certaine concurrence entre Paris et Londres, par exemple pour l'implantation de multinationales ; n'oublions pas, toutefois, que Londres a sur Paris l'avantage de la langue et des liens de culture et d'affinité avec les États-Unis, ce sur quoi le Grand Paris n'a pas beaucoup de prise…
Constatant que la croissance économique de l'Île-de-France (de l'ordre de 2 %) est inférieure à celle du "Grand Londres" (entre 3 et 4 %), Christian Blanc veut qu'on vise pour la région capitale une croissance de 4 % jusqu’en 2030. Cette hypothèse semble extrêmement optimiste et fort risquée – en particulier dans un contexte de crise économique prolongée –, car c'est sur cette base que le gouvernement va contracter des emprunts pour financer les investissements nécessaires ; il s'agit donc d'un Grand Pari dont l'échec serait lourd de conséquences pour un pays déjà très endetté, conséquences qui seraient supportées par les générations futures. A cet égard, l'hypothèse de croissance de 2 % inscrite dans le nouveau SDRIF – que le gouvernement trouve trop peu ambitieuse –, est nettement plus raisonnable.
De même, les hypothèses de Christian Blanc quant à la croissance du nombre d'emplois en Île-de-France (+1 million d'emplois et +1,5 million d'habitants vers 2030) vont très au-delà des prévisions d'évolution démographique tant de la Région que de l'INSEE, à tel point qu'elles semblent irréalisables même lorsqu'on suppose un doublement de l'immigration et un taux de chômage très bas. Une telle croissance nécessiterait donc de déshabiller la province pour habiller Paris et de parier sur un retournement rapide de l'économie mondiale.
Christian Blanc observe à juste titre que dans les pays à taux de main d'œuvre élevé, la capacité d'innovation est devenue un facteur majeur de la croissance économique. Cependant, l'innovation n'est pas le fait des seules métropoles : la Silicon Valley est très éloignée de New York, Cambridge et Sheffield ne sont pas des banlieues de Londres, ni Nagano et Tsukuba des banlieues de Tokyo : ces métropoles sont les capitales économiques et financières et non les capitales technologiques de leur pays respectifs et n'en sont pas les centres d'innovation.
La thèse selon laquelle le Grand Paris serait un enjeu stratégique essentiel pour l'avenir de la France et que la croissance de la région capitale entraînerait automatiquement la croissance de toute l'économie française ne nous semble reposer sur aucune base solide. Malgré un courant de décentralisation qui a permis à des villes comme Montpellier, Grenoble, Toulouse et Rennes de se développer au cours des dernières décennies, l’Île-de-France concentre toujours 23 % de la population française et 29 % du produit intérieur brut national. Elle est d'ailleurs la région la plus riche d'Europe. En quoi la globalisation obligerait-elle à opérer un brutal retour en arrière en matière de décentralisation ? New York n'est pas la tête de pont de Los Angeles ou de Boston et on voit mal pourquoi Lyon ou Marseille aurait besoin de Paris comme tête pont dans la compétition mondiale. Rappelons que dans le chapitre intitulé Libérer les régions pour libérer les décideurs locaux de La Croissance ou le Chaos, Christian Blanc se plaignait amèrement de ce que Paris décidait de tout ce qui se passait dans les régions françaises.
On tente de justifier le retour à l'hypercentralisation en faisant valoir que l'Île-de-France est plus riche que les autres régions françaises et que celles-ci profitent de cette richesse par des mécanismes de péréquation. Ce raisonnement spécieux s'apparente à celui d'un médecin qui, à force de traiter des patients obèses, finit par penser que l'obésité est le cas normal et non l'exception. D'ailleurs, si on prolongeait cette théorie de la "locomotive" francilienne qui traîne le reste du pays derrière elle, il faudrait concentrer toute la France en Île-de-France ! C'est la preuve par l'absurde qu'on ne peut traiter l'aménagement de la région capitale en le sortant du contexte de l'aménagement du territoire national. N'est-il pas symptomatique que l'aménagement du territoire a été "casé" auprès du ministre Bruno Le Maire, par ailleurs responsable de l’agriculture, l’alimentation, la pêche et la ruralité ?
Le réseau de transports du Grand Paris
Surnommé le "Grand 8", le réseau de transport du Grand Paris (RGP) est un super-métro automatique en double boucle autour de Paris de 155 km à vitesse rapide (60 à 65 km/h en moyenne), jalonné d’une quarantaine de gares connectées au réseau de la SNCF (TGV en particulier) et de la RATP. Il vise à relier entre eux et avec les aéroports, neuf pôles économiques franciliens : Plaine-Commune, Roissy, Orly, Saclay, la Défense, Champs-sur-Marne, Évry, Seine-Oise et Montfermeil-Clichy-sous-Bois. Il s'agit d'un réseau de transport de troisième génération (après le métropolitain et le RER).
Avec un calendrier serré, la mise en service de la double boucle pourrait avoir lieu au mieux en 2023.
Selon les estimations du gouvernement, le montant des investissements nécessaires à la réalisation du "Grand 8" devrait s'élever à plus de 23 milliards d'euros. Le financement de ces investissements n'est nullement assuré. On parle d'un emprunt bancaire international, amorti sur 40 ou 50 ans, comme au bon vieux temps du baron Haussmann.
De son côté, la Région a arrêté, le 19 juin 2008, son "plan de mobilisation des transports", avec comme principal objectif d'améliorer le réseau existant du STIF. Le coût estimé de ce plan est de 18 milliards d’euros. La principale composante en est le réseau Arc Express, un métro en rocade de 60 km en petite couronne, circulant à 40 km/h et principalement constitué de deux arcs et d’une quarantaine de stations. Comparé à celui du Grand 8, Arc Express propose un tracé plus proche de Paris, qui, selon le STIF, permet un "maillage optimal" avec le réseau actuel de transport francilien. Le coût d'Arc Express est évalué à 6 milliards d'euros et sa mise en service est prévue pour 2017.
Faisant face à une dette colossale, la France n'a pas les moyens de réaliser ces deux réseaux de transport, qui en outre se recouvrent partiellement. Aussi, après bien des rebondissements, le texte final de la loi du Grand Paris prescrit-il la tenue de deux débats publics : l’un sur le Grand 8, l’autre sur Arc Express, afin de pouvoir opérer un choix ou une synthèse des deux projets. Ces deux débats se déroulent en parallèle entre le 1er octobre 2010 et le 1er février 2011. L’implantation des gares devrait être arrêtée au 1er mars 2011.
La gouvernance du Grand Paris
La loi du Grand Paris a créé une nouvelle structure pour réaliser le nouveau réseau et l’aménagement autour des gares : la Société du Grand Paris (SGP), un établissement public indépendant du Syndicat des transports d’Île-de-France. Cependant, le STIF devra assurer l’exploitation du Grand 8 – sans aucune garantie de rentabilité. Rappelons que depuis le 15 mars 2006, le STIF est présidé par la Région ; auparavant c'était un organisme d'État.
La SGP est dirigé par un directoire sous contrôle d'un conseil de surveillance. Le conseil des ministres du 7 juillet 2010 a décidé que le conseil de surveillance de la SGP élit un président ainsi qu’un vice-président parmi ses membres âgés de moins de 70 ans au jour de cette élection. Cette dérogation à la loi du 13 septembre 1984, relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, a été taillée sur mesure pour permettre à André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux, qui a fêté ses 70 ans le 20 octobre 2010, d’être désigné par le gouvernement comme unique représentant des maires au conseil de surveillance de la SGP, puis d'en prendre la présidence peu après. Le patron de la SGP bénéficie d’un mandat de cinq ans renouvelable. Le poste de vice-président a été gelé ; le gouvernement souhaite qu’il soit occupé par un représentant de l’opposition.
Les membres du directoire de la SGP sont nommés par décret du 24 septembre 2010 : il s'agit de MM. Marc Véron, Pierre-Alain Jeanneney et Didier Bense. Marc Véron, ancien chef de cabinet de Christian Blanc, est nommé président du directoire.
Les contrats de développement territorial
Dans un rayon de 400 mètres autour des gares, l'État peut passer des contrats de développement territorial (CDT) avec les collectivités. Elle dispose d’un droit de préemption au cas où les parties ne parviennent pas à un accord. Si le volume d’une quarantaine de gares se confirme, la SGP peut, potentiellement, avoir la main sur 2.000 hectares, soit 20 km².
Les premiers CDT doivent être signés à la fin de l’année 2010, pour une période de 15 à 20 ans, entre un groupe de communes et l’État. Dixit Christian Blanc, "ils auront une valeur quasi-législative, remodèleront l’urbanisme, l’économie, le social et le culturel et créeront un sentiment d’appartenance". En effet, il s'agira de véritables plans d’urbanisme, qui se rapprochent aux SCoTs (schémas de cohérence territoriale) de par l’échelle territoriale, mais dont ils se différencient par les caractéristiques suivantes :
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les CDT sont pilotés par l’État, et non par la collectivité locale en charge du territoire ;
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les CDT s’imposent à tous les documents d’urbanisme existants (PLU, SCoT et SDRIF) qui doivent être révisés en conséquence ;
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les CDT ne font l’objet que d'un minimum de concertation : consultation des collectivités territoriales, enquête publique ;
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les CDT sont assortis d’une carotte financière, qui aide à faire passer la pilule…
On comprend que l'État veuille briser les lenteurs inhérentes aux multiples strates de l'administration française. Ces "SCoT à la mode Blanc" que sont les CDT n'en ont pas moins un caractère passablement antidémocratique. En outre, on peut craindre que leur mise en œuvre enclenche autour des gares une urbanisation à marche forcée et sans cohérence d’ensemble avec la métropole et l’aménagement de l’Île-de-France.
L'aménagement du plateau de Saclay
Pour développer le pôle scientifique et technologique ("cluster") du plateau de Saclay, la loi du Grand Paris crée un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé "Etablissement public de Paris-Saclay" (EPPS).
L’EPPS est administré par un conseil d’administration (CA) qui en détermine les grandes orientations. Ce CA est composé de quatre collèges :
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les représentants de l’État (y compris un représentant de la SGP) ;
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les représentants des communes ou intercommunalités du périmètre d’intervention de l’EPPS (qui compte 49 communes), des départements de l’Essonne et des Yvelines et de la région d’Île-de-France ;
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les personnalités choisies en raison de leurs mérites dans les domaines universitaire et scientifique ;
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les personnalités choisies parmi les chefs d’entreprise et cadres dirigeants d’entreprise.
Sur un nombre total d'au plus 21 membres, les troisième et quatrième collèges comptent chacun quatre représentants au CA, ceux des premier et deuxième collèges y étant majoritaires. Le mandat (renouvelable) des membres du CA est de cinq ans.
Par ailleurs, le CA sera assisté d'un comité consultatif (CC), qui sera consulté sur les projets d’aménagement de l’EPPS, leur stratégie et leurs investissements, ainsi que sur la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers. Les membres de ce CC représenteront les associations reconnues d’utilité publique, les associations agréées dans le domaine de l’environnement, les organisations professionnelles agricoles, les syndicats et les chambres consulaires. Le CC comprend aussi un député et un sénateur, un représentant de la ville de Paris et un représentant de chacun des départements d’Île-de-France non représentés au CA.
La direction quotidienne de l'EPPS est assurée par le président du CA, nommé par décret parmi les membres du CA ; cette personne porte le titre de président-directeur général (PDG) et est assistée d'un directeur général délégué (DG) qui ne peut être membre du CA. Le mandat (renouvelable) du PDG est de cinq ans.
La loi du Grand Paris précise qu'il sera créé une zone de protection naturelle, agricole et forestière comprenant au moins 2300 hectares de terres consacrées à l'activité agricole situées sur le communes de Palaiseau, Igny, Bièvres, Vauhallan, Saclay, Saint-Aubin, Villers-le-Bâcle, Orsay, Gif-sur-Yvette, Jouy-en-Josas, le Loges-en-Josas, Toussus-le-Noble, Buc, Châteaufort et Guyancourt. Cette zone non urbanisable sera délimitée par décret en Conseil d'État, au plus tard le 3 juin 2011. Une éventuelle révision de son périmètre passerait également par un décret en Conseil d'État.
L'évolution de la vision et des projets de Christian Blanc montre clairement que le plateau de Saclay a toujours été au centre de ses intérêts ; jusqu'en avril 2009, c'était le seul et unique objet de son projet de loi. Il cherche à développer sur le plateau un pôle de développement d'envergure mondiale.
Cette idée de créer à Saclay une "Silicon Valley à la française" doit être maniée avec beaucoup de prudence. La vraie Silicon Valley s'étend sur un territoire californien d'une taille moitié celle de l'Île-de-France, héberge quelque 7 000 sociétés technologiques et compte environ 1,3 millions de salariés. Plus qu'une région, Silicon Valley est un état d'esprit. L'esprit d'innovation qui y règne, associé à sa capacité inégalée de transformer des idées en produits, attire des talents brillants du monde entier. Cette culture est unique au monde et personne n'est parvenu à la cloner ailleurs, même pas aux États-Unis.
En France, Sophia Antipolis (près de Nice) se voulait déjà "Silicon Valley à la française", il n'en a rien été. Les entreprises s'y précipitaient d'ériger des barrières autour de leurs terrains. C'est devenu un banale technopole.
La vraie Silicon Valley s'est développée de manière spontanée ("bottom-up"), sans aucune intervention étatique, et non imposée par le haut ("top-down") comme à Saclay. Le goût du risque est une composante majeure de son état d'esprit. L'échec d'une entreprise n'y est aucunement pénalisant pour la suite d'une carrière et quitter une entreprise pour rejoindre ou en créer une autre n'y est nullement perçu comme condamnable. La Silicon Valley a progressivement établi un écosystème avec une riche variété de compétences spécialisées reliées par des réseaux transverses et un mode de réseautage professionnel et personnel inhabituel dans les communautés scientifiques et technologiques. Cette culture de coopération est vécue comme allant de soi et sous-tend également la coopération entre sociétés concurrentes. L'esprit d'entreprise et la culture d'innovation de la Silicon Valley ont toujours séduit les investisseurs ; elle n'attire pas moins de 30% de tous les capitaux d'investissement aux États-Unis. Si la Silicon Valley est une région agréable à vivre, son cadre de vie n'est pas pour autant exempt de handicaps : le coût de l'immobilier y est extrêmement élevé et les infrastructures de transports laissent beaucoup à désirer (transports collectifs rudimentaires, congestion routière endémique).
Des personnes y vivant et ayant également vécu sur d'autres continents estiment que le cadre de travail créatif de la Silicon Valley n'existe nulle part ailleurs.
En somme, il est parfaitement illusoire de vouloir transposer la Silicon Valley sur le plateau de Saclay.
Plus généralement, le cluster est un concept d'origine anglo-saxonne, dont il reste à prouver qu'il soit transposable en France, compte tenu des différences de traditions, de mentalités et de structures sociales. Une étude approfondie intitulée "Clusters mondiaux", publiée en janvier 2008 par l'IAURIF (devenu IAU IdF en 2008), donne un aperçu des différentes initiatives de cette nature à travers la planète et de leur taux de succès extrêmement variable. La conclusion de cette étude est pour le moins peu concluante !
S'il nous paraît légitime de vouloir créer une certaine synergie entre les établissements qui sont venus s'implanter sur et autour du plateau de Saclay au hasard des disponibilités de terrains et sans aucune concertation entre eux, il reste que la coopération, l'innovation et l'excellence ne se décrètent pas ! On peut certes créer des conditions pour en augmenter les chances de réussite, mais le succès n'est pas acquis d'avance. Il est de notoriété publique que la France n'a pas une forte capacité de transformer une innovation en produit, ce qui semble être un problème culturel plus qu'un problème d'organisation. Ce problème ne date d'ailleurs pas d'hier. A cet égard, il est instructif de relire Le Mal français, publié par Alain Peyrefitte en 1976, en particulier l'extrait du chapitre Cerveaux d'État, qui brosse un tableau très pessimiste de l'état de la recherche en France. Ce n'est donc pas étonnant que le "Rapport sur la valorisation de la recherche" (janvier 2007), réalisé à la demande de l'État, aboutissait à un constat tout aussi pessimiste. Il semble hautement improbable que la "clusterisation" permettra de remédier à cette faiblesse.
Le talon d'Achille de tout projet d'aménagement du plateau de Saclay est l'accessibilité de ce territoire, que ce soit par les transports en commun ou par la route. La préservation de la vocation agricole du plateau – un ingrédient essentiel de son cadre de vie – ne permet pas d'y envisager des voies de circulation lourdes qui déstructureraient les exploitations agricoles – à moins de les enterrer, ce qui les rendraient extrêmement onéreuses, donc difficiles à rentabiliser. Le plateau est desservi par deux lignes de RER (B et C), empruntant les vallées qui encerclent le plateau, celle de l'Yvette au Sud et celle de la Bièvre au Nord. Ces lignes sont aujourd'hui saturées aux heures de pointe et leur fonctionnement laisse beaucoup à désirer. Leur modernisation est donc un besoin urgent et permettrait d'en augmenter la capacité, mais celle-ci n'est pas extensible indéfiniment.
Christian Blanc a reconnu ce problème et propose de le solutionner avec son projet de Grand 8, qui passe en souterrain et comporte une gare ("Saclay Sud") dans la zone du Moulon. Ce projet est davantage inspiré par la volonté de relier des pôles de développement entre eux et avec les aéroports et les gares de TGV – un pôle d'envergure mondiale ne pouvant se concevoir sans connexions efficaces avec l'international – que par les besoins de déplacement domicile-travail. Or, les déplacements travail-travail ne représentent que 3% des mouvements des Franciliens. Ce qui a fait dire au député Gilles Carrez, qui a étudié le financement du projet Grand Paris : "Un réseau de transport doit tout d'abord améliorer les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. L'attention, les efforts, ne doivent pas se concentrer exclusivement entre pôles de compétitivité actuels ou futurs."
Non seulement le coût du Grand 8 est-il exorbitant (plus 23 milliards d'euros), mais en outre des études ont montré que la branche passant sur le plateau de Saclay serait à la fois la plus coûteuse (4,8 milliards d'euros) et la plus faiblement fréquentée (6.000 à 8.000 voyageurs par heure à l'heure de pointe) de tout le réseau.
La loi du Grand Paris demande que la réalisation du super métro ne pénalise pas la modernisation et l’amélioration du réseau existant, mais la portée juridique de cette formulation est extrêmement faible. Par conséquent, le Grand 8 risquerait d'obérer les projets de modernisation et d'amélioration des transports répondant aux besoins urgents.
Qui plus est, sa réalisation n'interviendrait pas avant 2023 ; sachant ce que deviennent ces types de prévisions, il faudrait plutôt tabler sur une fin de travaux entre 2025 et 2030. Par conséquent, le Grand 8 ne répondrait nullement aux besoins immédiats ou imminents, sur le plateau de Saclay comme ailleurs. Or, entre 2012 et 2015, les seuls effectifs du campus prévu sur le plateau auront augmenté de près de 20.000 personnes ! En même temps, la population de Massy va s'accroître de 15.000 habitants, ce qui aggravera encore la saturation de la gare de Massy-Palaiseau. Il y a donc lieu, avant tout, de prendre des mesures appropriées et urgentes pour faire face à l'extraordinaire afflux de voyageurs programmé.
Enfin et surtout, la gare de métro prévue sur le plateau de Saclay serait inévitablement un puissant catalyseur d'urbanisation, ce qui contredirait le principe de la préservation des espaces agricoles.