Cet article du Parisien : "Plateau de Saclay, Triangle de Gonesse : une piste pour protéger les terres agricoles de l’urbanisation" relate une initiative de Cédric Villani, qu'il avait annoncée dans sa dernière réunion publique, de créer un statut pour la ZPNAF. Son collègue député Aurélien Taché lui emboîte le pas pour le triangle de Gonesse. Ça part peut-être d'un bon sentiment, sauf que le but de cette opération est d'assurer que la ZPNAF ne puisse pas être remise en cause par la ligne 18 traversant le plateau entre Saclay et Versailles.
Or, c'est de la poudre aux yeux ! La loi du Grand Paris du 3 juin 2010 définit la ZPNAF simplement comme une "zone non urbanisable" sans aucune autre précision :
Il n'existe pas de protection supérieure à celle de la loi, mais une loi n'est jamais gravée dans le marbre pour l'éternité. D'ailleurs, celle du Grand Paris a déjà été modifiée 16 fois en moins de 10 ans. Il suffirait de rajouter une formule du style "sauf dérogation" pour que la protection vole en éclats. Si le tronçon Saclay-Versailles était construit, tôt ou tard un lobby ou un autre convaincrait une majorité de parlementaires qu'il serait dommage de ne pas profiter de la présence d'une ligne de transport collectif lourd doublée d'une autoroute urbaine (RD36 2x2 voies), pour remplir de logements et de bureaux l'espace jouxtant ces infrastructures – autrement dit, tout ce qui reste aujourd'hui du plateau de Saclay agricole. Cela d'autant plus que ce serait un jeu d'enfant, facile à justifier, de rajouter des gares sur la section de la ligne qui traverserait le plateau sans s'arrêter sur 7 km entre Saclay et Magny-les-Hameaux.
En conséquence, ceux qui prétendent benoîtement pouvoir marier la carpe et le lapin en défendant à la fois la ligne 18 et la ZPNAF en faisant fi de la nocivité du tronçon Saclay-Versailles, porteraient une lourde responsabilité.
En tout état de cause, l'amendement proposé a été rejeté en commission de l'Assemblée nationale, sous prétexte que c'est aux élus locaux de s'en occuper...
Plus généralement, comme nous l'avons mis en évidence en commentant un document de propagande anonyme, dont il nous été certifié, de source sûre, qu'il provient de la Société du Grand Paris, il n'y a aucun argument sérieux en faveur de la ligne 18 et encore moins de sa partie à l'ouest de Saclay.
Quant au Triangle de Gonesse, il faudrait commencer par y créer une ZPNAF. Comme pour le plateau de Saclay, cela n'aurait pas beaucoup de sens si en même temps on y construisait la ligne 17 Nord du Grand Paris Express avec une gare au milieu des champs du Triangle. Les terres y sont très fertiles comme sur le Plateau et il serait d'autant plus pertinent d'y instaurer une ZPNAF que ce secteur, coincé entre les aéroports du Bourget et de Roissy CDG, est interdit à l'habitation en raison des fortes nuisances sonores. Par conséquent, la ligne 17 Nord ne desservirait aucun habitant ! En fait, le groupe Auchan avait obtenu une déviation de la ligne de 5 km et la construction d'une gare au milieu des champs pour desservir son mégacomplexe commercial EuropaCity, projeté au centre du Triangle. Le gouvernement ayant à juste titre annulé ce projet pharaonique d'un autre temps, ainsi que l’extension du pôle de Roissy (Terminal 4), ces infrastructures n'ont plus aucune raison d'être. Tout cela n'empêche pas les élus locaux de différents bords de réclamer à cor et à cri que l'État réalise un autre projet d'urbanisation à la place d'EuropaCity et que la ligne 17 Nord soit maintenue. Comme naguère pour EuropaCity, ils brandissent des perspectives de création d'emplois plus fantaisistes les une que les autres et en tout état de cause, le potentiel de fréquentation de la ligne serait très faible. Ils n'écoutent guère les propositions pertinentes de nos amis du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), sous la houlette de Bernard Loup, et leur projet d'agriculture périurbaine CARMA (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d'avenir). Le blog de Jacqueline Lorthiois, dont la compétence dépasse de beaucoup celle des élus locaux de ce territoire, présente une analyse perspicace des enjeux locaux et déconstruit les nombreuses fausses bonnes idées avancées par les promoteurs de son urbanisation.
Notons enfin qu'on entend dire parfois que le projet du Grand Paris Express a été approuvé en 2011 par la définition de son "schéma d'ensemble" et qu'il est impératif de respecter ce schéma. C'est évidemment absurde. Il est vrai que les auteurs de ce schéma ont dû croire qu'il était parfait au point de juger inutile d'en prévoir les modalités de modification, mais cette aberration a été éliminée par l'article 58 de la loi NOTRe d'août 2015. Rien n'empêche donc d'adapter ce schéma aux exigences du bon sens. C'est d'ailleurs dans cette optique que le rapport cinglant de la Cour des comptes sur la Société du Grand Paris publié en janvier 2018 recommande avec insistance de réduire le périmètre de ce réseau :
Trois ans et une pandémie plus tard, avec une crise économique et une crise climatique en perspective, il serait grand temps de suivre ce sage conseil de comptables compétents au lieu de s'arc-bouter sur des projets qui n'ont pour boussole que la chimère de renouer avec les Trente Glorieuses !