A la veille des élections régionales du 6 et 13 décembre 2015, COLOS a organisé une conférence-débat publique "Les transports franciliens à travers le prisme des élections régionales", le mardi 1er décembre 2015 à Bures-sur-Yvette. Nous remercions la municipalité de cette commune d'avoir mis à notre disposition sa salle du conseil.

Rappelons que les transports constituent la principale compétence de la Région (en termes de budget, en tout cas), d'où l'intérêt de passer au crible le volet transports des programmes des différents candidats.

Nous avons donc demandé à un expert indépendant et impartial d'en faire une évaluation. Il s'agit de Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite de l'Institut d'Urbanisme de Paris à l'Université Paris Est, qui préside par ailleurs la chaire universitaire de l'Institut de la Ville en Mouvement. Il a mené de nombreux projets de recherche dans le domaine des transports et des mobilités, y compris dans les relations de ce domaine avec celui de l'aménagement urbain. En témoigne, entre autres, le livre La ville cohérente (La Documentation française, 2012). Jean-Pierre Orfeuil s'est intéressé dès le départ à la problématique du Grand Paris. En tandem avec l'urbaniste Marc Wiel, il a décrit sa vision sur les transports franciliens dans le livre Grand Paris – sortir des illusions, approfondir les ambitions (Scrineo, 2012), sur lequel nous avons réalisé une vidéo de présentation. Nous avions fait intervenir Marc Wiel lors d'une conférence à Bures-sur-Yvette en juin 2011. Décédé en octobre 2014, Marc Wiel avait terminé la rédaction de son dernier livre deux mois auparavant. Ce livre, Grand Paris – Vers un Plan B (La Découverte, 2015) vient de sortir en libraire. Nous le recommandons, y compris aux candidats aux régionales, pour une meilleure compréhension des enjeux du Grand Paris.

La conférence-débat s'est déroulée en trois temps :

  • D'abord, Jean-Pierre Orfeuil a fait un résumé des notions essentielles en matière de transports franciliens, indispensables pour savoir apprécier et pondérer les mesures proposées par les candidats.
  • Ensuite, il a fait une présentation comparée des programmes électoraux des uns et des autres en matière de transports et les a commentés.
  • Enfin, il a répondu aux nombreuses questions du public.

Le document contenant la présentation de Jean-Pierre Orfeuil regroupe les deux premiers éléments, le troisième est sommairement résumé ci-après. 

Des représentants de différentes listes en lice pour les régionales étaient présents dans le public et ont pu s'exprimer : Écologistes (représentée par Marie-Pierre Digard), Front de Gauche (représentée par Alban Mosnier) et Debout la France, représentée par son chef de file Nicolas Dupont-Aignan lui-même. La tête de liste pour l'Essonne de la liste Les Républicains-UDI-MoDem s'était fait excuser.

Des représentants de la FNAUT Île-de-France se trouvaient parmi l'assistance et ont témoigné leur appréciation de l'analyse présentée par Jean-Pierre Orfeuil. 

Le réseau du Grand Paris Express (y compris la Ligne 18) a occupé une bonne part des discussions. S'il y a une chose qui est apparu très clairement, au travers de la présentation de Jean-Pierre Orfeuil et des échanges avec le public, c'est l'incapacité du pays de financer à la fois ce nouveau réseau et la rénovation du réseau francilien existant. Jean-Pierre Orfeuil évalue à 70 à 80 milliards d'euros le coût total vraisemblable des grandes opérations envisagées en ajoutant : "Aucun expert ne peut dire que c’est financé !", contrairement à ce qu'affirment la SGP et le gouvernement. Il a aussi cité l'étude du Cercle des transports Réorienter les priorités du réseau du Grand Paris (décembre 2014) pour souligner que cette réhabilitation du réseau existant est de beaucoup plus importante pour les Franciliens que la construction du Grand Paris Express. Ce dernier est à ce point mis en avant dans les médias qu'on serait tenté de croire que s'il était réalisé, il deviendrait le réseau principal de transport francilien, reléguant le réseau existant au second plan. Or, c'est tout à fait inexact : quoi qu'il arrive, le réseau existant continuera de véhiculer une large majorité des Franciliens empruntant les transports publics.

Comme le démontre l'étude du Cercle des transports Moderniser le réseau ferroviaire francilien d'août 2015, la rénovation du réseau existant est également incontournable si Paris veut être prête pour accueillir les Jeux Olympiques en 2024 et/ou l'Expo universelle en 2025 ; en effet, les ressources financières disponibles d'ici à 2025 ne permettent pas d'envisager toute opération nouvelle en dehors de celles déjà commencées. Sauf à recourir à un appel massif à l'endettement, ce qui serait incompatible avec l'état déjà précaire des finances publiques et les perspectives de croissance "molle" au mieux, et accablerait les générations futures voire la génération présente en cas de relèvement des taux d'intérêt. Ainsi, Le Grand Paris Express est porteur d'un risque important pour la nation toute entière, comme le note Marc Wiel dans son dernier livre.

Les discussions ont montré que certaines listes perçoivent cette problématique et la prennent en compte dans leurs programmes respectifs. En revanche, comme Jean-Pierre Orfeuil l'a fait remarquer, les programmes électoraux qui promettent de raser gratis demain ne sont pas crédibles et si l'un des partis correspondants devait se trouver aux commandes de la Région à la suite des élections, la dure réalité ne manquerait pas de l'obliger à revoir les ambitions affichées considérablement à la baisse.

Le débat a également porté sur les interactions entre mobilité et aménagement urbain et sur l'intérêt de diminuer les besoins en mobilité en agissant sur l'aménagement urbain de façon à rapprocher lieux de travail et lieux de résidence. Ce type de considération est absent des programmes électoraux.