Le 19 décembre 2013, après moult tribulations, le parlement a adoptée la loi de modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles (MAPAM ou MAPTAM, loi n° 2014-58 publiée au Journal officiel du 28 janvier 2014).
Cette loi s'inscrit dans "l'acte III de la décentralisation". Elle impose la création d'une douzaine de métropoles, qui exerceront des compétences renforcées par rapport aux intercommunalités classiques ; pour les métropoles du Grand Paris, de Lyon et de Marseille-Aix-en-Provence, la loi définit un statut spécifique.
Pour la région Île-de-France, elle spécifie :
• la métropole du Grand Paris,
• l'achèvement de la carte intercommunale pour la grande couronne,
• des mesures en matière de logement,
• la coordination du STIF et de la SGP,
• des dispositions relatives au site de La Défense
• des dispositions relatives à l'Établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS).
Sur ce dernier point, il s'agit de rendre le fonctionnement de l'établissement public conforme aux règles de gouvernance d'institutions de cette nature, régies par le code de l'urbanisme, mais auxquelles dérogeait l'actuel EPPS, créé par la loi du Grand Paris. En effet, l'État a la main sur le fonctionnement de l'EPPS, alors que dans l'EPAPS, ce seront plutôt les élus.
La métropole du Grand Paris (MGP) sera un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) à fiscalité propre, qui regroupe la commune de Paris, l’ensemble des communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et peut-être quelques communes limitrophes auxquelles on laisse le choix (jusqu'au 30 septembre 2014) de s'y intégrer ou non.
La MGP sera créé au 1er janvier 2016. Afin de préparer les conditions juridiques et budgétaires de la création de l’EPCI de la MGP, une mission de préfiguration de la MGP est créée, coprésidée par le préfet de région et le président du syndicat mixte d'études Paris Métropole, et composée d’un collège des élus.
La MGP exercera les compétences classiques des communautés urbaines, notamment l’approbation du PLU et des documents d’urbanisme en tenant lieu. Elle élaborera le Scot, les schémas de secteur et le PLH, favorisera la constitution de réserves foncières d’intérêt métropolitain et mènera des actions en faveur du logement social. Elle agira également en matière de développement économique, social et culturel. En matière de protection de l’environnement et du cadre de vie, la MGP sera chargée de la lutte contre la pollution de l’air et les nuisances sonores, de l’élaboration du plan climat-énergie territorial.
La MGP sera organisée en "Territoires" d’au moins 300 000 habitants, doté chacun d'un conseil de Territoire, composé de délégués des communes, mais sans fiscalité propre. Les contours de cette entité restent assez flous.
Dans le cadre d'un pacte financier et fiscal, une dotation territoriale métropolitaine est instituée en faveur de chaque commune membre de la MGP. C'est une dimension importante de cette nouvelle institution qui permet d'instaurer une péréquation financière entre les communes et de créer les conditions pour mieux affronter la crise du logement.
Cependant, on peut douter de l'efficacité d'une institution de cette taille… Il semble à peu près certain que la mission de préfiguration va faire évoluer le volet MGP de la loi MAPAM.
Quant à la réforme des intercommunalités en grande couronne, la loi MAPAM prescrit l'élaboration d'un SRCI (schéma régional de coopération intercommunale), qui établira une nouvelle carte des intercommunalités pour les départements de la grande couronne (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Val-d’Oise). Ces départements comptent à présent 94 intercommunalités, qui ont souvent été établis de façon peu rationnelle car sur la base d'affinités politiques. Les nouvelles intercommunalités prendront la forme d'EPCI et doivent chacune compter au moins 200 000 habitants, sauf dérogation. Leur mise en place devrait avoir lieu avant fin 2015.
Pour l'élaboration du SRCI, la loi définit une procédure, dans laquelle l'entité principale est la CRCI (commission régionale de coopération intercommunale). Créée pour la circonstance, cette commission est composée du préfet de région (qui la préside), d'un représentant du conseil régional et, pour chacun des départements concernés, du préfet, d'un représentant du conseil général et des membres de la CDCI (commission départementale de coopération intercommunale).
La CRCI a été installée le 28 août 2014 par le préfet de région, Jean Daubigny. Elle comporte 84 membres, dont 79 membres élus. Comme le veut la procédure, le préfet de région a soumis à la nouvelle commission une version initiale du SRCI. Les membres de la commission régionale auront la possibilité de proposer des modifications au projet de schéma initial. La version définitive devra être arrêtée au 28 février 2015, à moins que cette échéance ne soit repoussée d’ici là par le législateur au 30 avril, un amendement en ce sens ayant été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 juillet dernier.
Voici le SRCI proposé :
Le plateau de Saclay se trouverait ainsi au cœur d'une méga intercommunalité englobant en outre les actuelles intercommunalités Versailles Grand Parc, l'Ouest Parisien, Saint-Quentin-en-Yvelines et Europ’Essonne, ainsi que les communes de Maurepas, Coignières, Plaisir, Les Clayes-sous-Bois, Villepreux, Vélizy-Villacoublay, Verrières-le-Buisson et Wissous, soit près de 800 000 habitants !
En voici une vue plus rapprochée :
Selon le préfet de région,
"Le projet de SRCI propose des regroupements ambitieux pour permettre à la grande couronne de trouver toute sa place auprès de la future métropole, en s’appuyant sur les principaux pôles de développement que sont par exemple Roissy, Saclay ou Marne-la-Vallée. Des regroupements allant souvent au-delà du seuil de 200 000 habitants fixé par la loi, ont de ce fait été proposés en croisant plusieurs critères objectifs : géographie physique, réseaux de transports, bassins de vie, principaux pôles de développement économique, ou encore projets de territoires. Dans un contexte de compétition internationale toujours plus forte, il s’agit aussi de mettre nos territoires davantage encore en capacité de maintenir et développer l’emploi et les activités économiques, et d’offrir à nos concitoyens un meilleur accès à des infrastructures et à des services mutualisés."
Nonobstant la sempiternelle et vaine course après la croissance économique et l'obsession sur la compétition internationale, le principe général énoncé est bien plus raisonnable que celui de la constitution des intercommunalités par affinité politique. Mais son application à l'intercommunalité projetée autour du plateau de Saclay l'est beaucoup moins ; en effet, le préfet de région affirme que :
"La constitution de cet ensemble pourrait engager la concrétisation d’un projet de territoire autour de l’OIN de Paris Saclay, dont la colonne vertébrale sera constituée par les deux projets de transport du Nouveau Grand Paris que sont la ligne 18 entre Orly et Versailles via Saint-Quentin-en-Yvelines, et le tram-train entre Massy et Versailles."
Ce serait la poursuite de la fuite en avant ! On tient pour acquise la réussite du cluster Paris-Saclay – pourtant totalement hypothétique – et on prend prétexte de l'éventuelle existence de la future Ligne 18 du Grand Paris Express – dont le financement est de moins en moins compatible avec l'état des finances publiques – pour considérer que cette ligne forme le trait d'union entre les communes situées aux antipodes du plateau. On peut d'ailleurs se demander si le préfet de région ne tient pas pour quantité négligeable la zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPNAF) du plateau.
On peut attendre d'une intercommunalité qu'elle assure une certaine proximité avec ses habitants, qui devraient pouvoir avoir le sentiment d'appartenir à un bassin de vie et d'emplois partagé. Qu'y a-t-il de commun entre les habitants de Coignières et ceux de Chilly-Mazarin ?
"Aménager l'Ile-de-France à partir de ses bassins de vie : le Grand Paris des habitants", c'est le titre très à propos du résultat des travaux de l'équipe "Les urbanistes associés/Devillers et associés" sur les bassins de vie et d'emploi franciliens, effectués dans le cadre de l'AIGP (Atelier international du Grand Paris), présentés dans une vidéo par Christian Devillers. Ces travaux ont analysé, à partir des données de l'INSEE, les flux de déplacements des personnes – principalement les déplacements domicile-travail, mais aussi ceux liés au commerce, à l'enseignement, etc. Les résultats montrent qu'il existe tout autour de l'agglomération parisienne des "pôles-réseaux-territoires", dont la population varie entre 150 000 et 350 000 habitants. Dans notre secteur, deux bassins de vie se détachent nettement : celui de Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines et celui d'Antony, Massy, Palaiseau et Les Ulis. Le premier est d'ailleurs pris en exemple d'une "zone intense" où 53 % des déplacements se font à l'intérieur du territoire. En revanche, on constate qu'il n'existe que très peu d'interactions entre les bassins de Versailles-Saint-Quentin et Antony-Massy-Palaiseau-Les Ulis. Vouloir les réunir en une seule intercommunalité, sous prétexte qu'il y aura peut-être un jour une ligne de transport capacitaire entre les deux, nous semble donc être une vue de l'esprit. Sans compter que vouloir structurer l'urbanisation autour des réseaux de transport est une idée du passé.
Comme le préfet de région a dit : "il ne s’agit que d’un projet, rien n’est acté ni décidé, c'est un point de départ pour le dialogue légitime à avoir avec les élus". Or, peu nombreux sont les présidents d'intercommunalité concernés qui soient favorables à la proposition de l'Etat. Il n'est donc pas impossible qu'on en revienne à des idées plus raisonnables. D'autant que la pensée urbaine est en panne et que le Grand Paris a grand besoin d'un plan B !
En effet, l'intercommunalité mastodonte ne sera pas ! Dans sa réunion du 22 janvier 2015, la CRCI a rejeté à l'unanimité (69 voix pour, 2 abstentions) la proposition du préfet de région et adopté un amendement qui prévoit la fusion de la CAPS avec Europ'Essonne, ce qui correspond grosso modo au bassin de vie Antony-Massy-Palaiseau-Les Ulis évoqué ci-dessus, à ceci près que la nouvelle entité ne comportera que des communes essonniennes. Cette décision a été confirmée par un arrêté du préfet de région en date du 4 mars 2015, comportant une carte mise à jour du SRCI. Cette version du schéma peut encore évoluer ; en particulier, les communes de Verrières-le-Buisson et Wissous ont le choix de s'intégrer à la nouvelle intercommunalité ou bien de se rattacher à la Métropole du Grand Paris, dont elles sont limitrophes.
La fusion CAPS-Europ'Essonne devrait prendre effet au 1er janvier 2016. Elle n'ira pas sans poser quelques problèmes aux communes d'Europ'Essonne, car celles-ci n'ont transféré que peu de compétences au niveau intercommunal, alors que les règles veulent que ce soit le degré d'intégration le plus fort parmi les entités fusionnantes qui s'impose.