Imprimer

A la suite du rejet retentissant de la première version du Contrat de développement territorial (CDT) pour le territoire sud du plateau de Saclay par la commission d'enquête lors de l'enquête publique qui a eu lieu à la fin de 2014, les porteurs du projet ont décidé de soumettre à enquête publique une nouvelle version de ce document.

Cette enquête publique complémentaire, dont la procédure est prévue par le Code de l'environnement, a eu lieu du 2 au 28 novembre 2015. On en trouve tout le dossier (y compris le projet initial et le rapport d'enquête rendant un avis défavorable), ainsi que les modalités pratiques sur le site de la CAPS. Ce dernier manque cependant d'indiquer qu'il y a désormais aussi un registre d'enquête électronique, mis en place à la suite de demandes répétées des associations ; on peut y déposer un avis sans se déplacer et aussi consulter les avis déjà déposés (mais pas ceux consignés dans les registres "classiques").

Une première réunion publique sur le nouveau CDT a eu lieu le 15 octobre 2015 à l'IUT, une deuxième s'est tenue, à la demande de la commission d'enquête, le vendredi 13 novembre 2015 à Orsay.

Les signataires du CDT se sont donc résolus (tout en affirmant que rien ne les y obligeait !) à l'enquête complémentaire. Cette nouvelle version fait l'objet d'une présentation sensiblement améliorée, répondant en partie aux exigences légales et aux recommandations de la commission d'enquête. L'une d'entre elle toutefois a été superbement ignorée par le comité de pilotage qui a arrêté le nouveau projet le 10 juillet : la recommandation n° 5 demandait "de renforcer substantiellement la concertation pendant la période d'actualisation, de finalisation et d'adoption du CDT". On a dû se limiter au petit cercle des signataires. En tous cas, nous n'en avons pas vu la couleur. Voilà qui ne constitue pas un bon point de départ.

Une notice explicative, utile, expose les principales évolutions du projet. Sur le fond, la plus importante porte sur la répartition des logements prévus, que des municipalités élues en 2014, en particulier ceux de Palaiseau et des Ulis, avaient revu à la baisse sur leur territoire.

L'essentiel demeure. Contrat ou pas, les projets de l'État se poursuivent, le catalogue des demandes communales est à peu de choses près le même, sans garantie de réalisation.

Les "fondamentaux", c'est-à-dire les conditions supposées de réussite du projet Paris-Saclay qui ne font pas partie du contrat et échappent totalement aux acteurs locaux, n'ont pas bougé. L'université existe, les Zac (Polytechnique et Moulon, en attendant Corbeville) sont opérationnelles.

Le volet mobilités/infrastructures est plus précis que dans la version précédente. Sa réalisation ne relève toutefois que très partiellement des acteurs locaux. Nous notons une avancée sur le chapitre, très important à nos yeux, des liaisons vallée-plateau. Les circulations douces (ou "modes actifs") sont mises en avant et le principe de solutions innovantes de type téléphérique urbain ou escalier mécanique est maintenu. Mais curieusement, le CDT n'envisage ces moyens qu'à long terme et pour les seules heures creuses. Lors de la réunion publique du 13 novembre, on a néanmoins pu apprendre que l'EPPS et la CAPS vont bientôt lancer une étude de liaison vallée-plateau par câble, réclamée ardemment par l'ensemble des associations du plateau.

La funeste Ligne 18 du Grand Paris Express fait toujours partie des "fondamentaux" du CDT. En effet, l'EPPS répète à l'envi que le projet Paris-Saclay n'a aucun sens sans cette ligne de métro. Dans ces conditions, on se demande quelle est la logique (et la justification légale) de faire une enquête d'utilité publique sur un projet reposant sur un autre projet, considéré fondamental, dont l'utilité publique va être discutée trois mois plus tard. C'est mettre la charrue avant les bœufs : si l'utilité publique de la Ligne 18 était rejetée, le CDT n'aurait plus de sens aux yeux de ses signataires. Dans le même esprit surréaliste, le sujet de la Ligne 18 était évacué de la discussion lors de la réunion publique du 13 novembre, sous prétexte de l'enquête publique spécifique sur la Ligne 18. Comme si la fiche n°2 ("Ligne 18 du Grand Paris Express") n'existait pas ! 

Rappelons par ailleurs que ce métro, si sa construction était confirmée malgré les avis extrêmement réservés du STIF et du CGI, ne verrait pas le jour avant une bonne dizaine d'années après l'arrivée des établissements sur le plateau, la promesse de mise en service en 2024 étant un miroir aux alouettes. Pendant tout ce temps, le cluster ne pourrait donc pas fonctionner ? Cette situation paradoxale n'a pas échappé à l'Autorité environnementale (Ae) dans son avis du 7 octobre consacré à la nouvelle évaluation environnementale nécessitée par les modifications.

L'Ae pointe particulièrement la légèreté de l'analyse des impacts d'une augmentation, acceptée et favorisée par les projets d'aménagements routiers, de la circulation automobile, sur la qualité de l'air notamment (pas de référence au plan de protection de l'atmosphère de la région). Dans leur réponse aux observations de l'Ae, les porteurs du projet n'apportent guère d'éclairage nouveau sur cette question de la qualité de l'air, invoquant un manque de moyens matériels pour mesurer la qualité de l'air dans notre secteur.

Sur la question cruciale de l'eau, l'Ae demande encore des précisions sur l'Étude globale de gestion des eaux (EGGE). Elle s'interroge aussi sur la préservation des espaces et milieux naturels face à l'accroissement de la population et des emplois et donc d'une augmentation conséquente des surfaces urbanisées. Elle s'étonne notamment que l'augmentation de la population va être deux fois plus importante et celle du nombre d'emplois huit fois plus importante que celles qui se seraient produites avec une évolution au fil de l'eau, alors que les surfaces nouvellement urbanisées n'augmenteront que de 40 % à l'horizon 2029.

D'une façon plus générale, l'Ae recommande que soient mieux justifiés les motifs qui ont fait retenir certains projets au regard des autres variantes envisageables. Elle insiste aussi à plusieurs reprises sur une approche plus globale des différentes problématiques.

Bref, l'Ae n'est pas vraiment convaincue que les impacts du projet aient été étudiés sérieusement, scepticisme qu'elle exprime dans cette phrase :

« On pourrait s'attendre, sur ce territoire d'innovation, à ce que les projets du CDT témoignent d'une ambition particulière en matière de prise en compte de l'environnement, à la hauteur de l'ampleur de ses impacts. En particulier, s'agissant de la création quasiment ex nihilo de nouveaux quartiers, ces développements pourraient intégrer systématiquement les solutions issues des travaux (études et recherches) visant à promouvoir une urbanisation économe en espace et en énergie. L'état d'avancement des différentes fiches "projet" n'en apporte pas encore la démonstration. »

Voir aussi le commentaire de nos collègues de CAS Orsay.

Nous ne passerons pas en revue l'ensemble des fiches d'action disparates du document. Disons seulement qu'elles sont mieux organisées et mieux renseignées que précédemment.

Au total, nous maintenons notre avis défavorable, estimant que ce CDT n'est pas viable, car toujours ancré dans le projet Paris-Saclay, dont le gigantisme le voue à l'échec.

 

Le 22 février 2016, la commission d'enquête a rendu son rapport d'enquête avec une annexe répertoriant les avis contribués. La commission émet un avis favorable (à la majorité, donc pas à l'unanimité comme c'est le cas habituellement) assorti de quatre réserves, dont il est précisé que "si les réserves ne sont pas levées par les signataires du contrat de développement territorial ≪ Paris Saclay Territoire Sud ≫, l’avis est réputé défavorable". Ces réserves sont les suivantes :

Réserve 1 :
de manière à se conformer aux dispositions de l'article 21 de la loi n°2010-597 du 3 juin 2010, de fournir un tableau indiquant, de manière quantitative, qualitative et spatiale, le programme de logements qui sera réalisé au cours des 15 prochaines années

Réserve 2 :
de procéder à l'analyse concise et formelle de la compatibilité entre la délimitation de la ZPNAF et les emprises liées à la réalisation de la ligne M18 du Grand Paris Express

Réserve 3 :
de réaliser une étude concrète liée aux rabattements sur les parking relais, aux liaisons Plateau de Saclay – RER B – Parc de Courtaboeuf, aux liaisons plateau de Saclay – Vallée pour les besoins spécifiques de l'Université Paris Sud

Réserve 4 :
d'apporter les modificatifs suivants au contrat :

1. insertions relatives

- à l'économie sociale et solidaire,

- au tableau récapitulatif des engagements environnementaux,

- à l'association Terre et Cité,

- à l'annexe visée par le texte

2. suppression de la fiche projet 21.

Le 13 mai, le comité de pilotage de ce CDT a validé une version amendée du CDT, que doivent signer chacune des sept communes directement impliquées. Cette nouvelle version du CDT est censée prendre en compte les réserves de la commission d'enquête. Les associations de l'UASPS ont demandé des explications sur la prise en compte des réserves.